2019 : le retour de celle qui voit loin (1)

By | 6 janvier 2019

Takall avait intégré la brigade des Fades Rumeurs (2) un mois plus tôt. C’était son premier matin sur le terrain avec Karchall, un Fade Rumeur de niveau 3. Karchall avait la réputation de ne jamais rater ses missions.

Ils venaient tous deux de quitter leur hotte mobile et entraient dans la sonde de leur Chef Bigall, pour prendre leurs instructions. « Voici le topo, les gars! ». Bigall avait gardé du passé certaines expressions qui pouvaient au premier abord lui donner un côté sympathique, mais on découvrait très vite sa vraie nature autoritaire et manipulatrice.

Bigall leur apprit que de nombreux informateurs faisaient état d’Europleasants (3) en mouvement au Royaume. Ces Europleasants voulaient s’opposer à tout prix au Royexit (4) et préparaient visiblement des actions coups-de-poing dans tout le Royaume.

L’idée du Royexit avait germé quelques années plus tôt. Personne ne savait plus très bien pourquoi d’ailleurs.

Le Royexit était désormais promu par l’Ordre des Diviseurs, qui y voyait l’exemple à suivre pour cantonner les Europleasants dans des territoires morcelés, qui perdraient ainsi petit à petit de leur libre arbitre, de leur rayonnement, de leurs valeurs et de leur capacité à se développer.

L’Ordre des Diviseurs s’était considérablement renforcé avec la prise de pouvoir du Général Pmurt sur le continent américain. Pmurt était arrivé au pouvoir en s’appuyant sur un slogan improbable : « Make our Fadnet great again ! » Et ça avait marché ! Ce n’était pourtant que pure illusion, mais on préfère parfois croire plutôt que de se prendre en main sur un chemin ardu, que l’on gravit pierre après pierre, et qui finit par fabriquer cohésion et fierté.

Le 21 janvier de cette année 2019 (5), les astres s’étaient aussi invités dans cette guerre entre les Europleasants et l’Ordre des Diviseurs : la Lune avait été complètement éclipsée sur le continent américain. Un phénomène naturel, qui avait pris une dimension symbolique.

Pmurt avait tweeté avec une attention à la nature inhabituelle venant de lui : « And all these crazy Europleasants will say it is because of the climate change ! ».

« Make our moon light again ! », avaient répondu avec humour les Europleasants, en piratant bon nombre d’écrans officiels pour afficher ce message.

Et cet épisode de la Lune avait été le signal de la reconquête pour les Europleasants, qui multipliaient depuis les initiatives de combat contre l’Ordre des Diviseurs.

Karchall s’assurait que Takall avait bien intégré la mission : « Tu as bien compris Takall, nous devons procéder au retrait (6) d’Europe, la meneuse des Europleasants. Elle a été localisée là où doit se tenir le premier grand meeting des eurolections (7). On sait peu de choses d’Europe, si ce n’est qu’elle est très discrète, fort cultivée et souvent indécise. Elle est aussi loin de ses troupes et partagée entre les différents peuples au nom desquels elle combat, ce qui nous donne un réel avantage. »

Takall est mal à l’aise avec cette mission. Il a bien connu Europe jeune et elle ne souffrait pas alors de ce manque d’ambition et d’écoute. Et elle était pleine de projets. Takall se demande comment elle a pu en arriver à une certaine inertie et il a conscience que c’est ce qui la discrédite auprès d’une partie de ses peuples.

Au fond de lui, Takall sait qu’elle peut se ressaisir et porter à nouveau ce qu’elle veut construire depuis toujours : une histoire de développement où l’homme a pleinement sa place et où les arts et les sciences, où le social et l’économique se répondent pour le servir.

Finalement, Takall n’est pas si sûr de continuer cette mission comme on l’attend de lui… Il se souvient du pétillant des beaux yeux d’Europe. Et il se dit qu’Europe pourrait bien redevenir celle qui a de grands yeux, celle qui voit loin, et qui éclaire.

Et Takall attend avec impatience le moment où il va rentrer chez lui, pour remiser sa combinaison de Fade Rumeur et ressortir sa vieille tenue d’Europleasant. Cette tenue d’Europleasant, il la nettoyera, et il la portera avec fierté pour retrouver des combats qui en sont dignes.

Ce sont les convictions qui font les bonnes années.

Alors bonne année 2019.

Didier Perrin

 

NB : si vous souhaitez partagez vos convictions, avec mesure et respect, n’hésitez pas à le faire sur ce blog.

 

Les renvois sont en référence à :

(1) Europe, dans la mythologie grecque, est une princesse dont le nom associe « large » et « vue » par éthymologie

(2) Blade Runner, film de Ridley Scott dont l’action se déroule en 2019

(3) Replicants dans le film Blade Runner

(4) Le Brexit est susceptible d’intervenir le 30 mars 2019

(5) Eclipse totale de la Lune, notamment sur le continent américain

(6) Dans le film Blade Runner, un « retrait » consiste en l’élimination d’un replicant

(7) Les élections au Parlement Européen auront lieu entre le 23 et le 26 mai 2019

One thought on “2019 : le retour de celle qui voit loin (1)

  1. Marc Alexandre Didelot

    Très belle histoire Didier.
    Elle me fait penser à une conférence donnée par Carlos Ghosn en 2017 où il disait à propos de son Alliance Renault Nissan « la divergence c’est facile, c’est naturel, c’est donné à tout le monde, ça ne nécessite pas d’efforts particuliers. C’est la convergence qui est difficile, cela demande du travail ».
    Que ce soit en politique, ou en gestion des entreprises, et je crois au sein même d’une entreprise, il est plus facile de diviser que d’unifier.
    Je souhaite donc bon courage, et je pense qu’il faut aussi aider tous ceux qui travaillent et luttent tous les jours pour unir dans la diversité (devise de l’Europe).
    Bonne année 2019 !

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